Venise a ce pouvoir étonnant de donner l'illusion qu'elle appartient à tous. Nombreux sont ceux qui n'y sont jamais allés et n'iront jamais, et pourtant elle sommeille dans l'âme de chacun d'entre nous. Tous pensent la connaître, elle nous est familière, mais dans le même temps, elle fascine par sa mystérieuse étrangeté.
Au coeur de l'hiver, pendant le carnaval, d'impassibles fantômes aux masques immobiles envahissent cette cité des songes. Venise n'a pas l'éclat tapageur des villes terriennes. Le soleil blanc peut s'évertuer à dissiper ce voile de tristesse et de mélancolie : ce sera en vain.
Venise est un miracle arraché à l'eau, arraché au temps. Tout repère disparaît. Un voyage à Venise ne pourra jamais être un voyage ordinaire. Comment sortir indemne de cette traversée dans la mémoire et dans le temps? Elle continue à jamais à hanter les brumes de notre inconscient. C'est pour cela qu'on voudrait croire que cette ville est immortelle.
Aucun photographe, aucun artiste ne pourra jamais la capturer. Elle a la liberté absolu du rêve. N'est-elle pas d'ailleurs une célébration permanente au génie humain, qui en ce seul endroit, a su incarner ce rêve? Elle n'est qu'impressions fugitives et personnelles de lumière, d'eau et de couleur.
